Pour un Fonds d’Aide à l’Écriture des Scénarios au Burkina Faso : Une Urgence pour Revitaliser la Création Cinématographique

Inoussa BAGUIAN
Scénariste, producteur, réalisateur
Le scénario est l’âme de tout film, et au Burkina Faso, terre de cinéma, il est impératif de valoriser cet art fondamental. Pourtant, les auteurs burkinabè peinent à bénéficier des ressources nécessaires pour développer des scénarios de qualité, limitant ainsi la portée et l’impact de leurs œuvres. La mise en place d’un fonds d’aide à l’écriture des scénarios apparaît comme une nécessité cruciale pour donner un nouveau souffle au cinéma national.
Une Situation Préoccupante
En 2023, une étude menée par l’Association des scénaristes burkinabè révélait que près de 70 % des projets cinématographiques locaux échouaient à l’étape de recherche de financement en raison de scénarios jugés insuffisants ou mal structurés. De plus, selon les données du FESPACO, moins de 5 % des scénarios produits au Burkina Faso sont issus de résidences ou de programmes de développement d’écriture, faute de financement. L’absence de soutien spécifique force les scénaristes à travailler dans des conditions précaires, souvent sans rémunération adéquate, compromettant la qualité et la créativité de leurs écrits. Par exemple, plusieurs auteurs talentueux abandonnent leurs projets faute de moyens pour mener des recherches approfondies ou participer à des ateliers d’écriture internationaux.
L’Impact Positif d’un Fonds d’Aide
Des exemples internationaux montrent que l’investissement dans l’écriture peut transformer une industrie cinématographique. En France, le Centre National du Cinéma (CNC) consacre environ 5 millions d’euros par an à l’aide à l’écriture de scénarios, permettant la réalisation de plus de 100 projets chaque année. De même, au Sénégal, le Fonds de Promotion de l’Industrie Cinématographique et Audiovisuelle (FOPICA) alloue 10 % de son budget à l’écriture, favorisant l’émergence de films primés tels que « Atlantique » de Mati Diop, qui a remporté le Grand Prix du Festival de Cannes en 2019. En comparaison, le Burkina Faso n’a pas encore institutionnalisé un mécanisme dédié au
développement des scénarios, bien que le FESPACO ait créé des ateliers ponctuels pour accompagner les jeunes auteurs. Un fonds national, même modeste, pourrait transformer la dynamique créative. Avec un budget initial de 200 millions de FCFA par an, ce fonds pourrait
financer au moins 50 projets à hauteur de 5 à 10 millions de FCFA par projet, couvrant les besoins essentiels comme les recherches, les ateliers d’écriture et les collaborations avec des consultants.
Un Investissement à Long Terme
L’existence d’un tel fonds renforcerait la qualité des scénarios et ouvrirait les portes à des cofinancements internationaux. Un scénario bien structuré attire des partenaires étrangers et augmente les chances de participation à des festivals de renom. De plus, cette initiative créerait
des opportunités d’emploi pour des scénaristes et consultants locaux, dynamisant ainsi l’écosystème cinématographique burkinabè.
Mettre en place un fonds d’aide à l’écriture des scénarios est une étape stratégique pour pérenniser et diversifier le cinéma burkinabè. Il ne s’agit pas seulement de soutenir les auteurs, mais de poser les bases d’une industrie plus compétitive à l’échelle internationale. À l’instar du
FOPICA au Sénégal ou du CNC en France, le Burkina Faso doit investir dans la phase d’écriture pour révéler tout le potentiel narratif de ses auteurs et consolider sa position de pionnier du cinéma africain.
Par Inoussa BAGUIAN
ibaguian@famafilmsbf.com