Halassane SANFO, un modèle de réussite des étudiants formés à l’Institut Supérieur de l’Image et du Son Studio Ecole (ISIS-SE)

Passionné de musique, Halassane SANFO, préalablement étudiant en anglais à l’Université de Ouagadougou (actuelle Université Joseph KI-ZERBO°, rejoint l’ISIS-SE en 2009 avec pour ambition de devenir réalisateur et monteur de clips vidéo. Au cours de son cursus, le virus du son lui est transmis par un enseignant ; Il choisit finalement d’en faire son métier. Malgré les défis de l’insertion professionnelle, il réussit à créer sa société et à se faire une place dans le milieu professionnel du cinéma. Il est aujourd’hui une référence en matière d’ingénierie du son.
Halassane SANFO
Ingénieur de son
Comment avez-vous fait pour être technicien de son, de post production au Burkina ?
Halassane SANFO : Il faut dire qu’au départ que je ne connaissais absolument rien du cinéma. J’étais étudiant à l’université de Ouagadougou en Anglais et j’avais pour passion la musique. Vraiment c’était la musique et faire quelque chose, un métier qui pourrait me maintenir dans ce milieu. Je suis allé à l’Institut de l’Image et du Son (ISIS) pour faire la vidéo, le montage de clip, la réalisation de clip vidéo. C’était ca fait qui me passionnais au départ. Quand je suis arrivé à l’ISIS, les professeurs ont défilé à tour de rôle et finalement le professeur de son a retenu mon attention et a fini par nous convaincre. Déjà tu as la musique comme passion, c’est bien. Sache que la musique c’est du son. Autant commencer par le son et la par la suite tu verras ce que tu peux faire. Voilà comment j’ai été piqué par le virus du son, et j’ai commencé à m’intéresser à ça, à m’appliquer et à apprendre sérieusement. Ce n’étais pas évident au départ, car j’ai bac littéraire, pour quelqu’un qui n’a pas fait de série scientifique c’est échoué d’avance en fait. Mais il n’y a pas que cette dimension technique du son, il y a aussi cette dimension artistique du son, c’est cela qui va constituer ton petit plus. Donc je me suis appliqué, on s’est cassé les dents, on s’est relevé, à force de persister, on a réussi quand même à se faire accepter.
Maintenant comme technicien de post-production, je dirais que c’est après un certain temps sur le terrain, après avoir fait certaines expériences, je dirais au bout de cinq ans comme ça, cinq ans d’expérience et à chaque fois quand on t’appelait sur un plateau de tournage et on demandait un contrat et un numéro IFU, il faut que tu fasses ta facture. Et quand tu demandes le numéro IFU des gens, ce n’est pas aisé et si tu n’as pas numéro IFU également on te coupe 25 %. Donc c’est ce qui nous a amené à entreprendre, à créer aussi une petite structure et avoir un numéro IFU et à se prendre en charge. Alors quand tu as une maison de production, quand tu as un numéro IFU, il faut bien qu’il y ait des activités à l’intérieur. Voilà comment j’ai initié un peu, un peu la post production et j’ai commencé à apprendre vraiment ça au sérieux et à vraiment m’adonner à ça et essayer d’en faire aussi une casquette, normalement comme les autres et j’ai cherché à me perfectionner davantage.
Vous avez fait la prise de son, montage de son des films, comment avez-vous procédé ? Studio ? Personnel ? Comment faire pour réussir un bon montage son de film au Burkina ?
Halassane SANFO: S’il y a un film particulier qui a retenu votre attention, je pourrais peut-être raconter une anecdote là-dessus, mais de façon générale, je dirais que la prise de son sur les plateaux de tournage, c’est comme d’habitude. Je suis contacté par une maison de production qui me soumet un projet et qui demande à voir si je suis intéressé par le projet. Alors je regarde mon calendrier ensuite je lis le projet, j’apprécie la période de tournage ? Et si c’est ok, on valide et on signe le contrat. Je réunis le matériel qu’il faut après avoir eu le scénario bien sûr. Après le matériel j’essaie de voir mon complice de tous les jours, mon assistant. Si son programme sied aussi, on s’embarque là-dessus. Le jour du tournage, ou du moins pendant le tournage, notre travail, c’est de tout faire pour enregistrer correctement les dialogues ensuite faire des sons seuls s’il y a lieu, on a aussi des ambiances et tout. On est toujours aux côtés du réalisateur. On est à l’écoute de tout ce qu’il nous dit parce que notre rôle sur le plateau de tournage également, en tant que preneur de son c’est d’accompagner le réalisateur dans la réalisation de son œuvre, dans la matérialisation de son rêve. Nous sommes plutôt un allié pour lui et non des gens qui viennent en fait le contredire tout le temps des choses. . C’est un peu comme ça notre travail de prise son sur le plateau de tournage.
Maintenant par rapport à la post-production son, en ce qui concerne le montage son, c’est une autre organisation du travail après le montage image. Donc nous allons à ce niveau là créer des pistes qu’on va associer, affecter aux dialogues, aux sons seuls, aux ambiances, aux effets sonores, aux bruitages, aux musiques…C’est tout cet assemblage que nous allons essayer de mettre ensemble et harmoniser de telle sorte qu’on est tous les éléments sonores et qui constituent le film en fait. C’est à ce niveau là également qu’on s’apporte tous les ingrédients possibles. Au niveau du bruitage par exemple, si vous trouvez que la séquence de façon initiale est pauvre en termes de bruitage de son, vous allez partir chercher encore d’autres bruits, d’autres sons pour venir agrémenter la piste sonore. A ce niveau également, on fait intervenir sa fibre artistique. Aussi les musiques, savoir comment placer les musiques, savoir comment une musique doit entrer dans un film, comment elle doit sortir aussi et qu’est-ce que cette musique doit apporter à la scène ou à la séquence. Tout ça, c’est au niveau du montage son qu’on essaie d’analyser afin de pouvoir ressortir quelque chose d’assez touchant. Et si le montage son est bien fait, je dirais que ça met le film dans une autre dimension. Ça apporte énormément au film et c’est encore plus agréable à regarder, à écouter. Parce que quand vous écoutez le son et que tout est bien, vous n’avez pas de mal à regarder les images, vous trouvez du plaisir à suivre correctement l’histoire, à regarder les belles images. Mais lorsqu’au niveau du son, les choses ne sont pas faites comme il se doit, vous avez du mal à vous asseoir et à bien regarder le film du début jusqu’à la fin. Donc au niveau du montage son également, il y a un gros travail qui se fait et qui permet aussi de vivre, d’être dans un confort agréable de visionnage.
Il y a beaucoup de jeunes qui veulent faire du cinéma, jouer ou apparaître simplement à la télé, au cinéma, être cameraman, ingénieur de son, monteur…quels conseils leur donnez vous ?
Halassane SANFO : Je dirais aux jeunes frères qui voudraient embrasser ce métier comme nous, que tout part de la passion. C’est vrai qu’au début on peut ne pas avoir de la passion pour quelque chose, mais après la passion peut naître. Mais tout ce que je peux dire, c’est d’aimer le métier qu’on fait. Ne serait-ce qu’une petite passion. Lorsque vous venez dans ce métier avec l’idée de vous faire de gros sous, d’avoir une grosse voiture, une belle maison tout de suite, là, je dirais que vous faites fausse route parce que c’est un métier qui demande vraiment beaucoup de passion, de patience, de persévérance et de travail. Donc, c’est à force de travailler, de persévérer dans cette passion qu’on peut arriver à accomplir ses rêves. En plus d’aimer ce métier, il faut du sérieux et de la discipline. Il faut également accepter de souffrir à des moments donnés, surtout aux débuts et accepter même d’être exploité. Tu as une vision, tu as envie d’aller de l’avant, donc tu acceptes tout cela avec patience et Inch’Allah, avec le temps, quand tu vas finir par maîtriser correctement ce travail, tu pourras te vendre comme il se doit.
Dans certains films le montage son, mixage , le jeu d’acteur, le scénario, ça ne va pas bien…. Qu’est-ce qu’il faut pour espérer améliorer cela au Burkina ?
Halassane SANFO : Bon, je dirais qu’il faut sensibiliser les gens à être de plus en plus professionnel. Je pense que c’est ça. Au Burkina on a deux types de cinéma, on a des cinémas d’auteurs et ensuite on a le cinéma populaire. Et ce dont vous parlez c’est beaucoup plus dans le cinéma populaire qu’on rencontre cela. Les gens se disent qu’avec un petit budget on peut faire un film. Parfois en tant que technicien, on les accompagne. Mais ils pensent que c’est un acquis souvent et ne veulent pas faire d’autres efforts complémentaires, ce qui n’est pas bien. Car des gens vous aident à faire un film, ne venez pas dire par la suite, qu’il est possible de faire un film avec un petit budget ; ce n’est pas sérieux et ce n’est pas honnête. Je pense que c’est dans cette classe de cinéastes qu’on retrouve les œuvres inachevées. Il faut de la sensibilisation à ce niveau, de la formation afin qu’on puisse intégrer tous les corps de métier dans la chaîne de fabrication d’un film. Parce que quand c’est bien fait, le film, il va loin et le producteur il finit par rentabiliser son projet. Je pense que c’est de la sensibilisation qu’il faut, de la formation qu’il faut au niveau de ces jeunes producteurs, au niveau de ces jeunes réalisateurs qui pensent qu’avec un petit budget ou encore qu’avec un peu de manipulation autour, ils peuvent arriver à avoir quelque chose. Généralement ils sont conscients que ce n’est pas de la bonne qualité. Mais ce qui les intéresse c’est arriver à manipuler les gens et arriver en salle et projeter, récolter quelque chose seulement et puis voilà, c’est bon ; lui, il ne rêve pas grand, il a envie d’avoir à la fin de son projet un million, deux millions en poche parce qu’il a un petit projet à côté qu’il veut achever, donc c’est juste du petit commerce en fait qu’il fait. Il ignore qu’en faisant bien, il peut gagner au gros et aller même au-delà de ce qu’il espérait.
Comment faire pour réussir à faire un bon son dans un film au Burkina ? avec le coût des bons acteurs, le manque d’argent, de financement ? Les bons techniciens …Quels stratégies pour tourner ?
HS : Bon, pour moi c’est vrai je suis tout à fait d’accord avec vous. Aujourd’hui nous faisons face à une condition de plus en plus ardue, c’est-à-dire qu’on n’a pas assez de financement. On n’a pas d’accompagnement aujourd’hui, les gens sont seuls face à leurs projets, le dos au mur. Ils ont des rêves sous la main, mais rien de concret pour pouvoir les réaliser. Alors, ce que je peux dire, c’est qu’entre jeunes déjà, on peut essayer de collaborer. Moi j’en ai déjà fait avec d’autres personnes. C’est-à-dire que vous n’avez pas de budget à la base, mais vous avez peut-être un minimum. Vous pouvez contacter les différentes parties prenantes et puis essayer d’asseoir un contrat, une clause. Vous signez un accord entre vous et vous vous accompagnez quitte à ce que, après la vente du produit, ou après la diffusion vous puissiez régler chacun de vous par exemple. Une fois que l’argent rentre aussi, il faut être honnête et puis régler les gens aussi comme il se doit. Il ne suffit pas d’embarquer les gens dans un projet et quand ça marche on fuit pour les laisser, non non non non. Quand on est honnête, on se fait accompagner honnêtement et lorsque ça rentre, chacun rentre dans ses droits et puis je pense que c’est bon. Donc il y a aussi cette possibilité là que je pense, pour ceux qui n’ont pas de financement, d’accompagnement. Ils peuvent s’asseoir entre eux pour pouvoir aboutir à quelque chose.
Avez-vous participé à des projets qui sont en compétions au FESPACO 2025 ?
Oui, j’ai travaillé sur quelques films qui sont en compétition. Il y a Katanga, la danse des scorpions, un long métrage réalisé par Dani KOUYATE où j’ai fait la prise de son sur le bateau, les courts métrages fiction Sous le voile de nos silences de Yasmine Ila IDO et L’audition de Anaïs Irma KERE. Il y a aussi le film Waongo de Augusta PALENFO. Je pense qu’il doit y avoir d’autres, mais j’oublie un peu les titres…
Avez-vous des activités planifiées au FESPACO 2025 ?
Oui ! Je suis le président de l’Association de Techniciens de Son Cinéma et Audiovisuel (ATSCA). Avec la FNCA (Fédération Nationale du Cinéma et de l’Audiovisuel) et toutes les autres associations, nous sommes en train d’organiser une activité de concertation afin de réfléchir sur une éventuelle collaboration entre les professionnels du cinéma des états de l’AES, c’est-à-dire le Burkina, le Mali et le Niger. Nous allons tenir des ateliers de concertation, de réflexion avec les présidents d’associations des pays frères afin de booster nos productions et renforcer les partenariats de coproduction entre les pays de l’AES.
Avez-vous dernier mot ?
Alors comme dernier mot, je dirais que le FESPACO est un festival qui nous fait honneur à tous, burkinabè, africain et les cinéastes de la diaspora. C’est un grand festival et lorsque le FESPACO est là, on est vraiment fier de dire que ça vient de chez nous. C’est notre fête à nous, on est vraiment heureux. Donc il faut qu’on mette vraiment les moyens qu’il faut dans l’organisation de ce festival afin que ça soit une réussite ; et aussi penser à l’avenir du cinéma burkinabè parce que nous sommes en baisse de production. Il faut que nos gouvernants, le chef de l’État mette notre culture comme priorité. Parce que sans culture il n’y a pas de peuple. En fait, un peuple existe parce que, ce peuple a une identité culturelle. Ce qui peut faire valoir nos cultures là ce sont ces canaux, le cinéma, la musique et autres. Le cinéma joue un rôle très important, donc il ne faut pas laisser notre cinéma mourir parce que c’est notre culture également qui va mourir. Voilà, à travers le cinéma, nous arrivons à faire pas mal de choses, à vendre l’image de notre pays, à retourner de la force à notre culture. Donc nous avons besoin de soutien, que l’État vraiment mette le cinéma burkinabè parmi ses priorités.
Par Sékou Oumar SIDIBE « Inspecteur Rock »